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23 mai 2014 5 23 /05 /mai /2014 13:10

 

La conférence-débat du mardi 20 mai 2014 à l'école PPA de Paris a été l'occasion d'un échange parfois musclé, mais fructueux, entre René Laporte, représentant de la filière viande, et Élodie Vieille Blanchard, présidente de l'Association Végétarienne de France.

Nous souhaitons revenir ici sur les arguments de Mr Laporte développés par lui lors de la conférence et dans le livre Faut-il arrêter de manger de la viande  récemment  paru aux éditions Le Muscadier.


 

Il ne fait aucun doute que l'industrie de la viande voit d'un œil inquiet l'émergence d'un front anti-viande en France. Celui-ci s'est renforcé ces dernières années, les militants donnant de plus en plus de voix, avec parfois quelques débordements. Comme cet activiste traitant un boucher parisien d'assassin lors de la Veggie Pride 2014 (d'après France Info). C'est le type même de comportement intolérant à éviter, car, même s'il ne représente qu'une minorité, il fait un tort considérable à la cause. En ce sens, Mr Laporte a raison de souligner : ... « s'ils suivent les enseignements de Pythagore, ils doivent être tolérants et respectueux de la liberté de chacun dans le choix de manger ou non de la viande ». Certes, je conçois qu'une réaction de jugement soit tentante pour un végane militant de la cause animale, mais chacun évolue à son rythme et ce ne sont pas des insultes qui vont convertir qui que ce soit. Au contraire, cela envenime le débat en augmentant le ressentiment des amateurs de viande envers les végétaliens déjà très critiqués dans les médias conservateurs et le milieu médical français.

 

Dans la même veine, Mr Laporte s'insurge contre ces véganes qui veulent abolir la viande et fermer les abattoirs. Là encore, je ne lui donne pas tort, car il n'est pas question de contraindre ; nous sommes déjà accablés de règlements et d'interdits. De mon point de vue, tout doit venir d'une prise de conscience de la sensibilité animale associée à une répulsion naturelle vis à vis de la viande considérée comme ce qu'elle est : du cadavre d'animal. La consommation de viande deviendra odieuse à un nombre croissant de personnes et les abattoirs finiront par disparaître. Il y a déjà beaucoup de violence sociale ; pourquoi en rajouter en renvoyant aux carnivores leur image hideuse au visage ? 

 

Spécialiste de l'industrie de la viande, René Laporte utilise volontiers le postulat : « Il n'y a pas de loi universelle qui interdit de manger les animaux », ou encore « La viande n'est pas un produit qui entraîne des maladies ».

La première affirmation est contredite par les bouddhistes, hindous et jaïns pour lesquels le dharma (ou loi divine, ordre universel) prescrit justement de ne pas manger de viande, aliment considéré comme impur. Par ailleurs, il y a actuellement un consensus dans le monde scientifique sur les risques d'obésité, de diabète de type II, de troubles cardio-vasculaires, ainsi que de cancers colorectal et de la prostate provoqués par une surconsommation de viande. On ne peut donc pas prétendre que la viande soit un aliment inoffensif.

 

Mr Laporte a du reste l'art de sélectionner les études qui l'arrangent, balayant celles qui sont contraires à ses arguments d'un trait de plume comme le Rapport Campbell souffrant soi-disant d'une erreur méthodologique. C'est un peu facile comme procédé.

Il s'est passé la même chose en 2012 avec l'étude du Pr Séralini sur les OGM. Heureusement, il s'est trouvé quelques dizaines de scientifiques intègres et courageux pour défendre les découvertes du Pr Séralini, d'autres ayant succombé aux puissantes pressions du lobby des biotechnologies.

Pourquoi Colin Campbell serait-il victime d'ostracisme ? Parce qu'il est végétalien, s'oppose ouvertement au lobby médical et qu'il « envisage la possibilité d'une conspiration du contrôle, du silence et de la désinformation », une faute impardonnable pour la communauté scientifique à la botte des multinationales. La situation n'est guère différente en France où une haute responsable d'agence gouvernementale m'a demandé de ne pas révéler qu'elle est végétarienne ! Entre la honte d'être végétarien et l'orgueil de l'afficher, il y a un juste milieu...

 

Mr Laporte pose également la question : « Les mangeurs de viande sont-ils violents ? ». Pour nous, la réponse ne fait aucun doute, ayant constaté que, sur 60 villes de plus de 200 000 habitants analysées à travers le monde, celles qui possèdent le moins de restaurants végétariens par habitant sont aussi les plus violentes : Marseille, Rio de Janeiro et Moscou.

http://www.vegetari1.net/article-les-villes-ou-il-fait-bon-etre-vegetarien-118783109.html

 

Monsieur Laporte ne supporte pas le parallèle fait entre le traitement des déportés par les nazis dans les camps d'extermination et le traitement infligé aux animaux victimes de la barbarie humaine dans les élevages et abattoirs industriels. Pourtant, il croît pouvoir s'appuyer sur la philosophe Élisabeth de Fontenay, qui soutient la cause végétarienne et a fait la même comparaison après avoir vu une partie de sa famille juive décimée dans les camps nazis.

En outre, Mr Laporte se réfère ouvertement à Jean-Jacques Rousseau pour étayer sa démonstration. Sans doute ignorait-il que celui-ci était végétarien ? Rousseau déclarait en effet avoir des goûts alimentaires simples et se satisfaire d'un repas frugal dont la viande ne fait pas partie. Rousseau constate que les enfants « qui mangent beaucoup de viande sont en général plus cruels et sauvages que les autres », et pour lui « le goût de la viande n'est pas naturel à l'homme ».

Au contraire, reprenant le philosophe renégat Dominique Lestel auteur du pamphlet « Apologie du carnivore », Mr Laporte écrit : « L'homme n'a pas à dénier son instinct carnivore, il doit assumer la part d'animalité qui est en lui, ce que les végétariens et les végétaliens refusent ». En somme, si on le comprend bien, les végétariens sont des carnivores qui s'ignorent. Grotesque ! Ses parents n'auraient pas dû lui donner une côtelette en guise de hochet !

 

Enfin, dire que la viande n'est pas responsable de la déforestation en Amazonie est tout bonnement faux. Le bois n'est qu'un sous-produit de la déforestation, une grande partie étant brûlé lors du défrichage. La cause principale du déboisement est l'extension des pâtures pour les zébus, suivie par le développement de la culture du soja OGM destiné à l'exportation afin de nourrir les vaches, porcs et poulets européens. L'extraction du bois arrive loin derrière.

 

Par ailleurs, si notre porte-parole de la filière viande reconnaît des améliorations dans les conditions de vie des animaux, le mérite n'en revient nullement aux éleveurs qui recherchent surtout la productivité. Le crédit en est à porter à la pression d'associations de protection animale, comme L214 que Mr Laporte fustige par ailleurs.


 

On le voit, si la filière viande, assiégée de toutes parts, fait souvent preuve de mauvaise foi, les végétariens ont encore quelques progrès à faire pour convaincre. Déjà dans les années 1930, Gandhi avait constaté le caractère sectaire de certains végétariens londoniens. Il précisait alors : « Les végétariens doivent être tolérants s'ils veulent convertir les autres au végétarisme. Adoptez une attitude humble ! ». Le conseil est toujours valable aujourd'hui. Les végétariens ont beau avoir le vent en poupe, ils n'ont pas encore fait toutes leurs preuves.

 


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